mercredi, mai 17, 2017

Beauté-subjectivité, petit cours d'architecture sur des cas concrets situés à Morges


Beauté-subjctivité, premier billet d’une nouvelle rubrique. Ce texte a été publié dans le dernier n° du bulletin de l'Association de Sauvegarde de Morges. Je vous livre ici la version originale du texte.

Tous les goûts sont dans la nature dit-on, surtout le mauvais ai-je l’habitude de conclure. Blague à part, l’ASM est consciente qu’il existe des formes multiples du beau, aussi bien dans les édifices anciens que récents. On nous accuse souvent d’être des passéistes, accrochés à l’idée que « avant c’était mieux ». Oui, mais non, chaque époque a ses échecs, ses maladresses, ses ratages en matière d’architecture et d’urbanisme. Toutefois, contrairement à ce que claironne la « sagesse populaire » qui, en l’occurrence, n’a de sage que le nom, il existe des critères objectifs de beauté ! Je ne vais pas revenir sur cette expérience faite avec des enfants à qui l’on présente des photos de visages, et les enfants de classer les portraits en fonction de leur beauté ; chacun a quasi fait le même classement. Il existe donc des critères fixes que nous pouvons selon la situation tout de même modaliser.

Notre notion de beauté en matière de constructions repose sur la symétrie, les proportions et l’intégration. Il est rare que votre ASM soit confrontée à des bâtiments VRAIMENT atroces. Il y a toujours quelque chose à sauver. Nous nous battons avant tout pour maintenir la qualité du bâti, l’homogénéité d’un îlot, le respect de ce qui a été érigé il y a un, deux … cinq siècles. Notre patrimoine, nos monuments ne sont pas que des bibelots posés ça et là pour faire joli. Aux trois critères précédemment évoqués, il faut encore ajouter la qualité historique de la construction. Par exemple, le grenier bernois est typiquement un édifice qui a survécu du fait de son caractère historique ! La plus belle chose que possède ce grenier que le temps n’a pas épargné : sa charpente et sa volumétrie. On aurait pu imaginer une préservation de ces deux éléments, à savoir reconstruire un bâtiment neuf, de la même taille, sous la charpente ancienne. C’est presque ce qui a été fait lors de l’aménagement de la bibliothèque. Lors de cette reconversion, on a perdu les délicates arches du rez-de-chaussée, dommage.

Autre exemple, afin de poser les bases de cette chronique que vous retrouverez régulièrement dans notre bulletin, le Bâtiment Administratif Cantonal place Saint-Louis ! Construction audacieuse, intéressante, adroite, marquée, une réussite ? Un ratage ! L’effet dissymétrique recherché est soit intéressant, voulu, les proportions sont bonnes mais l’intégration est détestable ; ce bâtiment étouffe la maison Seigneux, la dégrade irrémédiablement dans son site car on n’imagine même pas une démolition dans les trente ans à venir. L’ASM s’était pourtant fait entendre mais nos autorités n’ont pas su/voulu relayer nos oppositions. Tant pis. Gardons le cas du BAC comme exemple absolu de ce qu’il ne faut pas faire, que cet échec nous aiguillonne dans nos futurs combats. 

Passons à présent à l’étude d’un cas  précis, une construction emblématique de Morges : la tour du Moulin. Au-delà du débat stérile genre « tous les goûts gnagnagna », votre ASM s’est battue pour la susmentionnée construction lors de sa réfection. Nous avons sauvé ses mosaïques ainsi que les espaces communs du rez-de-chaussée. L’ASM a défendu ce bâtiment non pas par lubie mais en raison des qualités objectives de notre mini gatte-ciel post-lecorbusien. Si nous revenons aux critères précédemment énoncés, la tour du Moulin présente des façades et un plan symétriques ainsi que des proportions agréables. Son intégration eût pu paraître discutable si l’autoroute ne balafrait pas la ville. Le viaduc de béton massif de l’A1 marque profondément le paysage à l’horizontale, son flux est inexorable et seul un geste architectural vertical fort pouvait dompter cette tare. 55 mètres surgissant parmi le bouillonnement des frondaisons alentour,  la façade sud comme une page lignée, les façades est et ouest garnies de leur célèbres mosaïques non-figuratives et la façade nord un peu moins adroite, cela est certainement dû aux coloris employés, un effet de rayures épaisses en gris et mauve-rose. La tour du Moulin jouit du dégagement nécessaire afin de ne pas engoncer sa haute stature, elle prouve que la ville existe au-delà et en dépit de l’autoroute. L’intérêt historique de cette réalisation, notre quatrième critère, est en constant développement. Encore 20 ans et cette tour sera parfaitement intouchable, et dans sa forme, et dans son site. Il me faut introduise un dernier critère, celui de la qualité des matériaux employés et de la réalisation. La tour du Moulin le remplit en bonne partie. Pas de pierre de taille, pas de granit à gogo, de marbre en cascade, pas de ferronnerie d’art mais ces fameuses mosaïques géantes, réalisées à l’aide de plusieurs centaines de carreaux de faïence posés un à un qui, je vous l’accorde, étaient en passe de se déceler. La récente restauration a réglé le problème.

En résumé, l’ASM se fait l’avocate de toute construction morgienne relevante répondant aux critères esthétiques de symétrie (ou dissymétrie ludique/recherchée), de proportions, d’intégration et aux critères complémentaires de valeur historique et de qualité de la réalisation. Dans notre prochain bulletin, nous vous proposerons une analyse de la rue des Charpentiers, l’une des rues les plus remodelées du bourg historique de la ville de Morges.





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