lundi, janvier 02, 2017

« Nourrir le rein », épilogue rédigé en fin d’après-midi du 30 décembre au Cercle



Dans les représentations de la médecine chinoise, le rein est le siège de la force vitale et de l’équilibre physique. Arrivé dans son milieu de vie ( entre 40 et 50 ans), le patient – particulièrement celui qui travaille du chapeau – se trouve pris d’une faiblesse du rein qui « produit la moelle et remplit le cerveau » (selon le commentaire d’une encyclopédie de médecine orientale en ligne). Une sexualité effrénée (et compensatoire) durant les décennies précédentes, le poids du monde, l’inquiétude, le dépit vous vide le rein de son yin aussi sûrement que les impôts vous gobent votre treizième salaire et vous vous retrouvez sur les plots ! L’un de mes éditeurs, le plus bouillant, le plus enthousiaste, le plus délicat a décidé, du reste, de poser les plaques … pour un temps, et se refaire. Je rêve de suspendre mon sacerdoce d’auteur de la même façon. J’ai bataillé pour un petit tas de convictions, une certaine vision des choses, durant plus de vingt ans d’autofictions et d’essai ; je confesse une fatigue certaine. J’ai revisité quasi toutes les versions officielles de l’univers socioculturel dans lequel je baigne. Je les ai toutes méticuleusement retournées au pire, recalibrées au mieux. Cela ne m’a apporté ni la fortune, la célébrité, la paix de l’esprit ou du cœur. Rien. Sauf le respect de mes pairs, c'est-à-dire tout. Mes « boucles », mes récits, mes textes, l’œuvre serviront peut-être à nourrir le rein de quelque lecteur fourbu, tant mieux. Si ce n’est pas encore le cas, cela viendra, bien après moi. Ce « Credo » vient conclure et compléter un cycle débuté par « Appel d’air » (titre  qui tient du yang), en passant par « La Dignité », « Tous les Etats de la mélancolie bourgeoise », « Journal de la haine et autres douleurs » et « Escales ». Quasi une marche à suivre.


Je suis pile dans mon « milieu de vie », selon les critères médicaux chinois et je me sens la tuyauterie se débiner, comme un nœud endolori par en bas et la furieuse envie de ne pas bouger de ma couche, couette et couverture en fourrure polyester, le chien posé dessus ou dessous, son ronflement léger et la rediffusion de la saga « Angélique » à la télévision. L’oubli si ce n’est le bonheur. Est-il raisonnable d’avoir voulu réécrire le monde sans les outils de la philosophie ou de la sociologie officielles ?! Objectivement non, je m’y suis vidé le rein mais j’aurais eu des regrets à ne pas l’avoir fait. Sans Juda, pas de trahison, pas de crucifixion, pas de résurrection pascale, pas d’accomplissement des prophéties. Ma foi, il fallait bien que quelqu’un prenne le rôle de l’énervé de service.


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