dimanche, août 28, 2016

Retour de Berlin (août 2016)

Je me fends, traditionnellement, d’une bafouille sur mon blog lorsque je rentre de voyage, donner mes impressions en matière de proto-sociologie, impressions, ressenti, état des lieux à propos d’un pays, d’une ville, une région. Je l’ai fait un certain nombre de fois à propos de Berlin et je chantais son charme, sa liberté, son agrément, etc. Cela fait plus d’une semaine que j’en suis rentré, fatigué, lassé peut-être, il y a tout de même eu de très bons moments, le pique-nique à l’ambassade de Suisse, la rencontre avec Mme l’ambassadrice, le thé au Café Einstein de la Friedrichstrasse avec Frau Dr. B. D., responsable d’un cours à la Humboldt Universität, la messe à St. Thomas ou St. Ludwig, la superbe soirée au Literarisches Colloquium, le lieu surtout, deux ou trois menus bonheurs… Plus d’une semaine, donc, et pas un billet, pas la moindre envie d’en parler … Il y a eu les deux pauvres filles, dans les vingt ans, moches, biscornues, trop nourries, mais surtout moches de leur médiocrité gourmande, leurs réflexions toutes faites, « ça me soûle trop », leur manière hargneuse d’être au monde et toujours leur médiocrité. Si la présence de ces deux bécasses lausannoise ou environ s’était signalée dans le 100 ou le 200, deux lignes de bus à toutous, je n’eusse pas été choqué mais elles siégeaient dans leur graisse et leur stupidité parmi les premiers rangs de l’impériale du M85, montées à Steglitz, là où normalement on ne rencontre pas ce genre de bestiau ! Je me suis retrouvé dans le cauchemar d’une ligne des TL (Transports Lausannois). En descendant à Kleist Park, j’a regardé un peu autour de moi et me suis aperçu que Berlin était devenue une ville comme une autre. Elle n’a plus besoin de moi, de ma plume tout du moins. On ne va pas épiloguer ; se surimprime une course d’une journée au Römerholz, la villa  Reinhart, Winterthur. Parti à 10h, rentré à 19h, à peu près, trois heures aller, trois heures de visite, trois heures retour. J’étais, une fois de plus, le « wanderer » de ma propre représentation du monde qui trouva, par un mercredi après-midi peu fréquenté, la paix nécessaire à la cicatrisation de ses plaies … des égratignures en fait. J’ai pu me raconter des histoires tout à loisir devant le portrait de Mateu Fernández de Soto par Picasso, période bleue, une patte post-vangoghienne, et un bouquet dans un vase transparent par Manet, quasi toute l’histoire de la peinture parmi ces fleurs, quelques Van Gogh, pas de grande émotion picturale, un certain confort esthétique, et le café sur la terrasse, la demi-solitude du petit parc, le chemin de retour vers la gare à pieds ; à un croisement, quelques objets proposés, donnés, offerts, proprement disposés dans un carton, une gentille petite villa, des vêtements d’enfant sur cintre, une pancarte polie, comment vider un fond de placard et faire des heureux. Je suis reparti avec un verre, une coupe, cristal vraisemblablement, , et un livre de chants illustré, « Kindersang, Heimatklang », mon Allemagne idéale, celle que je connus à Berlin et à travers les « Buddenbrooks », fin XIXème, avant l’erreur, fondamentale ; le XIXème s’est achevé en 1918 …

vendredi, août 05, 2016

Quelque chose à dire, second extrait de "Credo"

 
Le passé est un thé noir, profond, genre Assam, qu’il faut travailler longtemps avant qu’il ne puisse déployer son arôme complet. Je ne sais pourquoi je me suis souvenu de Maigret au retour du sauna, ni même de mon désir de banalité d’alors ? Le souvenir était cueilli, fermenté, séché, conditionné et ma mémoire l’a infusé, et quand le thé est infusé, il faut le boire ! Toujours mieux que de « boire le bouillon ». Trêve de métaphore, jeux de mots, calembours, ‘ y a un truc qui, néanmoins, reste coincé. Herr Dr. au cigare l’attend ; quant à vous, je n’en sais trop rien, peut-être par curiosité mal-placée ? L’autofiction est un genre qui repose sur le lavage de linge sale en public, sur la révélation crac-boum et quelques effets lacrymaux. Pour preuve, cette quiche d’Edouard Belle-Gueule qui nous a raconté du haut de ses vingt ans sa jeunesse de prolo gay victime de son milieu mais qui baisait à qui mieux-mieux avec son cousin à grosse teub. Dans un second opus, il nous racontait comment il avait été violé une nuit de Noël, par un jeune Arabe beau comme un astre ! Dans le troisième, il va nous annoncer sa séropositivité ? son mariage avec une femme enceinte de lui dans le quatrième ? le divorce fracassant dans le cinquième ? la garde des enfants dans le sixième ? sa tentative de suicide dans le septième ? ses regrets dans le huitième, assorti de la VRAIE vérité ? On a de quoi tenir. Remarquez, avec moi aussi, d’ici que j’aie fait halte dans toutes les bonnes villes d’Allemagne et du reste du Saint-Empire ! Et les croisières, la Thaïlande qui forcément arrivera, la Bretagne, Saint-Pétersbourg en solo, plus toutes les expositions de peinture. Ha ! J’ai plus de coffre que l’autre petit affabulateur.
 
Depuis la Café Kandler bruissant du claquement de dentiers de retraitées en rosâtre ou orangeasse, j’ai la vue sur la Marktplatz, le grand et très cher magasin Breuninger. Je bois une petite théière de « Theodore Fontane », un mélange de ce qu’il y a de mieux en Assam, Ceylan et Darjeeling. Voilà mon idéal : les livres de Fontane, un emballage pseudo-romanesque, quasi pas d’intrigues, des personnages bien campés mais, surtout, le témoignage de son temps. Je n’ai rien à raconter de spécial, je suis incapable de nouer la moindre intrigue, je n’y crois pas. Je vois les éléments s’aligner, se juxtaposer mais ça ne vous tricote pas le moindre bout d’histoire. J’empile, comme la vaisselle, des images, des instants, des situations, des atmosphères ; je réalise parfois des assemblages mais rien de percutant, pas le moindre secret, ni amant, meurtre, vice inavouable, rien ! Je vais vous laisser un instant, le temps de me rendre au « Museum der bildende Kunst », poursuivre l’empilage et le rien … Je laisse la place alors qu’un stabilo géant, 28-30 ans (pantalon pomme, sweat à  capuche vert fluo, chaussettes moutarde à pois, baskets bleues à lacets turquoise) vient de s’attabler face à moi. Il est d’un physique avenant, blond, yeux bleus, une alliance acier et noir, gay plus qu’assurément. Il a certainement, lui, des choses difficiles à raconter … avec une telle attifée. Il parle discrètement à une blonde, cinq kilos de trop, même âge, de la confidence, un truc qui doit lui plomber le moral et, thérapeutiquement, il s’entoure de couleurs criardes.
 
La folie de Lovis Corinth ! Voilà un type qui en avait à raconter, avec ses six ou huit mioches, son goût des grands formats, l’énergie de son trait et un penchant pour la boisson, présumé-je. Je le retrouve dans une salle du Museum précité, une petite salle où se réunissent quatre toile du maître, scène de descente de croix, portrait de Jean le Baptiste, Salomé avec la tête du précédent et portrait de Mme Douglas, bien comme il faut, correcte, assise sur une chaise, chapeau, robe de mousseline, collier de perles de dame vraiment très comme il faut mais le regard ! Des yeux cernés profond de bleu, comme une tête de lendemain d’hier. Le regard pèse une tonne et elle est sur le point de nier. C’est bien elle qui a servi de modèle pour Salomé, les seins offerts, le regard embué car elle avait bu ou pris de l’opium. Elle portait des fleurs dans les cheveux, comme une prostituée, l’ivresse afin de supporter le client ; et que je vous trifouille la tête, la paupière du défunt encore chaud, en deux parties, le corps aux pieds tordus qu’on débarrasse et le chef dans un large plat, offert à l’autre garce ; une dame de sa suite fait de l’œil au bourreau, bon boulot, qui lui rend l’œillade sans s’arrêter sur les nichons exhibés et ballotant de la trop stone. Le bourreau, comme tous les mecs qui aiment le cul, veut une femme vivante, pas un orifice passif … Elle doit avoir à en raconter, Mme Douglas. Couche-t-elle avec Lovis ? Voudrait-elle coucher avec lui ? Corinth le géant que je conçois croyant et fidèle à son épouse a-t-il joué de l’autre pinceau dans le feu de l’action ?