samedi, octobre 03, 2015

"Animarex" de Jean-François Kervéan

Anne, Jules, Vivonne, Bibiche et Louis, évidemment Louis, et Olympe, Mme de la Fayette aussi et tant d’autres, la jeune cour de Louis, le quatorzième, un souverain pour lequel je n’avais pas de vénération particulière. Il y a aussi l’auteur, Jean-François Kervéan, rencontré lors du « Livre sur les quais » à Morges. Christophe Girard – auteur brillant, ma prochaine critique, et maire du IVème arrondissement – tenait ab-so-lu-ment à me le présenter. Le monsieur était sagement assis à un bout de table, un peu embarrassé de lui-même, dans le voisinage très, trop proche d’auteurs à gros succès. Christophe a fait les présentations, Kervéan m’a tendu la main, avant tout soulagé de voir en Christophe un visage connu.

Un verre de vin à la maison, dans l’attente du dîner des auteurs, nous avons fait un échange et quel bonheur d’avoir rencontré un auteur aussi subtil. Le roman est tout à son image. Le lecteur rencontre les différents protagonistes avec une sorte d’évidence cordiale. Les présentations ont été faites et nous voilà dans l’intimité du tout jeune Louis, sa chienne Friponne, sa gouvernante, une halte impromptue. Nous n’allons pas suivre le roi soleil dans tous les aléas de son grand règne ; Jean-François Kervéan nous ouvre aux secrets d’une jeunesse, d’un cœur, une rencontre et une liaison avec Bibiche, la farouche et voluptueuse Marie Mancini, nièce du cardinal Mazarin.

Sont offertes au lecteur les minutes de la relation d’un don Juan compulsif avec sa première maîtresse et quoi d’autre ? Kervéan brosse le portrait d’un homme libre, loin de la pompe royale, béton prise rapide. Louis-Dieudonné dans toute sa vérité historique devient … un ami, tout du moins l’un de ses personnages que l’on est impatient de retrouver. La vérité de l’homme ne nous est pas livrée par un auteur ou un historien mais par l’âme-même de feu le grand souverain, d’où le titre, « Animarex », version latin de cuisine. Le texte prend la forme d’une confidence entre cette âme – qui vampirise l’auteur dont elle fait son nègre – et le lecteur. La trame narrative supporte un tissage complexe, va et vient du XVIIème au XXIème siècle, le Marais en décors commun, surpiqûre de quelques anecdotes colorées, la petite histoire de « l’Hôtel de la Semence ». L’étoffe du roman est doublée du taffetas léger, motif moiré, le récit de la réalisation du livre ; on suit l’auteur, mise en scène, mise en abîme, effet miroir façon galerie des glaces limite schizophrénique.


Ce n’est pas un livre de plus sur Louis XIV, un truc docte et pompeux. Il se trouve que la relation contrariée, douloureuse dont il est question, était celle qu’un jeune souverain a partagée avec la nièce impétueuse de son « premier ministre ». Cela définit un cadre, un certain nombre de contraintes, un motif imposé mais la langue de Kervéan est alerte, son esprit pétille dans la description vivante de petits riens : détail des menus, nom des animaux domestiques, surnoms divers et des lieux, des situations authentiques car racontées par Mme de la Fayette, par des épistolaires et autres chroniqueurs d’occasion. En cette année jubilaire de la mort du Roy, si vous n’êtes pas abonnés aux romans historiques mais avez envie de lire quelque chose sur le grand règne, votre ouvrage sera « Animarex » de Jean-François Kervéan.

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