samedi, janvier 17, 2015

07.01.15

Je suis un professionnel du verbe, un virtuose même, je peux le dire ; je suis un auteur que l’on loue pour son style plus que pour son bon esprit du reste. Vous l’aurez remarqué ? Cela fait presque deux semaines que je n’ai rien posté, pas le moindre petit billet alors qu'il en arrive un nouveau chaque semaine, d'une manière aussi régulière que la messe dominicale. Je suis très fidèle à ce type de rendez-vous : vous – mes lecteurs, la messe et le fitness. Cela fait partie de mon hygiène de vie.

Deux semaines donc, car je ne trouve plus les mots et je suis fatigué de ce « je » que j’assume en toute circonstance mais auquel je ne vois aucune légitimité dans le cadre des événements du 7 janvier. J’aurais aimé être le nous, le nous qui agit, qui intervient, qui risque sa vie dans l’uniforme des forces de l’ordre, le nous des urgentistes qui prennent en charge et soignent les blessés, le nous des amis, des proches qui consolent et entourent les survivants, le nous qui trouve les mots d’apaisement et de courage lors de la prière du vendredi, le nous qui se ressaisit un crayon à la main et qui se mobilise pour défendre les valeurs d’une république complexe, diverse et profondément blessée. J’aurais aimé être ce nous qui a su mettre les choses à plat sur les réseaux ; on y lit de bons commentaires lorsqu’on y a des amis plein de bon sens. J’aurais aimé être ce nous qui comprend au-delà de la peine et /ou du choc. Je n’ai pas su quoi dire, les paroles sont restées coincées quelque part entre les tripes et la gorge. Silence.

Mercredi 7 janvier, il faisait un temps magnifique, une après-midi hivernale ensoleillée, cette belle lumière dorée un rien brumeuse. Je suis descendu en gare de Lausanne, marcher au bord du lac. C’était beau comme dans un roman de Keyserling. Je suis allé prendre un café dans le centre-ville avec une amie rencontrée par hasard. De retour à la gare, sur le quai, en attendant le train pour Morges, j’ai reconnu le Pr. Calame. Il avait l’air songeur et absent. Je l’ai tiré de ses rêveries par un mot amusé. Il m’a confié « Je suis atterré » puis nous avons devisé, économie entre autres, pour les quelques minutes du voyage. J’étais aussi atterré que mon interlocuteur, et le suis encore. J’étais incapable à ce moment de le dire.

Je ne suis pas lecteur de Charlie Hebdo, je vous avoue être quelque peu étranger à son humour potache double-gras, vulgus sur les bords et pas très fin sur le milieu. Je ne goûte que peu à la satire quoique, lorsque ce genre de publication me tombe sous la main, je la lis, en ris bruyamment tout en remarquant pour moi-même que ce n’est pas de bon goût. Blessé dans ma foi catholique ? non, certainement pas. Le journal est athée, « pardonnez-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font ». Je donne dans  l’« ironie », et même l’« ironie cinglante » afin d’illustrer mon opinion, ce qui m’a déjà valu quelque embarras. On n’a pas à s’excuser d’être gay, catholique ou d’avoir des convictions morales, non ?! Et Dieu vomit les tièdes. Bon, je m’égare. En tant que croyant, j’ai du respect pour la foi d’autrui. L’athéisme étant une position religieuse comme les autres, je la respecte. Je préférerais toujours les caricatures de Charlie Hebdo aux obscurantismes religieusants de chapelles haineuses. ET ON NE TRANSIGE PAS AVEC LA LIBERTÉ D’EXPRESSION.

J’ai connu, en son temps, les affres de la censure. On a épluché mon blog, recherché d’un œil inquisiteur matière à plainte mais rien, que pouic, j’avais déclenché l’ire de petits milieux (dont je tairais la confession et la zone géographique par charité chrétienne) parce que j’avais écrit une vérité historique, un général de la Grèce antique qui briguait le commandement suprême, commandement qui lui fut refusé car jamais il n’avait connu de pratiques sexuelles anales et passives. Peut-on seulement faire confiance à de tels hommes ? A cette époque, il s’entend bien. On n’est toutefois pas venu me régler mon compte à coup de kalachnikov ce qui m’aurait directement renvoyé auprès de Notre Seigneur et m’aurait fait l’économie de quelques charrois de péchés (cette histoire est arrivée il y a une dizaine d’années de cela). Je ne recherche pas le martyre mais je sais être capable d’aller très loin pour défendre mes convictions les plus intimes. Je pense que je n’abjurerai pas ma foi catholique même s’il me fallait payer cette conviction de ma vie. Je ne peux pas affirmer que je ne renierai jamais ma foi, on peut tout faire dire et faire à un homme savamment torturé, nous en connaissons un rayon dans notre très sainte Mère l’Église, rapport à l’Inquisition….

Je suis Charlie quand bien même je ne suis ni Français, ni athée, ni socialo-bon-teint, ni raisonnable, diplomatique, multikulti, etc. Et je pleure de honte, de rage, de dépit, d’impuissance avec tous les croyants musulmans pris en otage par ceux qui, le 7 janvier, prétendaient défendre leur foi. Je ne peux rien en dire de plus, je ne suis non plus pas expert en géo-socio-ethno-politico-blablatique. Je reste choqué par la violence du geste, par le contexte de cet assassinat. Je suis limité dans son interprétation, les limites de mes propres connaissances et de mon opinion qui n’amèneraient qu’un tas de mots supplémentaires à tout ce qui a été dit vingt fois et plus, et en mieux. Je n’ai plus de mots, ou très peu sur le 7 janvier 2015, je viens de vous les livrer. Je tenais à répondre, en tant qu’auteur, bloggeur et journaliste (sur le tas) à cet appel à la résistance … un mot bien grand pour un billet de plus dans la blogosphère. Je tenais surtout à ne pas être complice par le silence.

PS : Je ne suis pas devenu aphone pour autant et reste très disert quant aux barbotines, Mauriac, la peinture de Peter Doig ou « Chic », le dernier film dans lequel apparaît Fanny Ardant. Vous trouverez mille mots à ces sujets dans les prochains billets de ce blog. J’en ai d’autres encore, des mots terribles que je réserve à un prochain texte autofictif. J’y suis allé à la kalachnikov littéraire, canardant à tout va dans un cri. Mon éditeur estime aussi que c’est bien de crier pour autrui.


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