mercredi, juillet 02, 2014

"Frau Jenny Treibel" de Theodor Fontane



Je vous avais promis un extrait de « Canicule Parano » mais, auparavant, permettez-moi un détour par Fontane, le grand auteur qui chante la Berlin prussienne, charmante et un peu province, puis la Berlin impériale, la grande ville qui s’étend à travers champs et faubourgs. On y reconnaît quelques buts de promenade, des points de vue célèbres, de grands boulevards pas encore totalement intégrés au tissu urbain. Fontane est le peintre des bonheurs simples, évidents, de la bonne vie urbaine. Il n’a pas la mélancolie ni la finesse symboliste de Keyserling ; il a quelque chose de plus jovial, de plus apaisé. Sa critique sociale n’a rien de virulent.

Dans le cas de « Frau Jenny Treibel », il oppose la bourgeoise industrielle fortunée à la bourgeoisie « académique ». Entre ces deux mondes, deux femmes : Mme Jenny Treibel, courtisée dans sa jeunesse par le Pr. Schmidt mais qui, finalement, épousa le capitaine d’industrie Treibel et Corinna Schmidt, la fille du Pr., qui essaie de se faire épouser par le fils cadet des Treibel. Jenny s’opposera à ce projet pour des raisons « dynastiques », son fils est déjà promis à une héritière. Le récit eût pu être traité sur le ton de la tragédie mais Fontane préfère raconter la mécanique des sentiments un jour après l’autre. Son analyse est plutôt bonhomme. Les Treibel ont de hautes aspirations, tant sociales que politiques et mille petits travers. Un exemple : Mme se plaint de ne pas avoir de véritable entrée de service, ce  n’est pas très correct pour les invités contraints de partager le perron avec les fournisseurs ! Les Treibel restent néanmoins plein d’amitié, d’égards envers leurs proches et leurs alliés.

En dédiant « Canicule Parano » à Theodor Fontane - pour sa Jenny Treibel, je tenais à témoigner d’un art moral et adouci, d’une intrigue non-intrigue, faire un bout de chemin à côté de personnages, partager leurs joies, leurs préoccupations, souffrir ou jouir du climat avec eux. Le flux de la vie passe puissamment dans l’œuvre fontanienne : le cahot d’un fiacre sur le pavé poudreux, une tasse de thé bien noir, le parfum des fleurs, le drapé d’une étoffe et, le plus précieux, une aimable résignation, des espoirs discrets.

Aucun commentaire: