vendredi, novembre 15, 2013

Non-impressions zurichoises



Cette fois-ci, j’ai choisi la banlieue, une jolie banlieue propre sur elle, le charme d’une banalité cossue, un hôtel confortable et clair, à cinq minutes de la gare d’Alstetten. Je suis venu à Zürich mener ma bonne vie allemande faite de choses communes. J’ai pris un train de banlieue, ai rejoint mon hôtel, ai préparé mes affaires, aller au fitness, pas très loin. J’en suis sorti vers 18h30. J’ai fait quelques courses sur la Lindenplatz ; j’ai même dîné à la cafétéria de la Migros, fermeture à 20h en semaine.

Je suis brièvement repassé à l’hôtel avant de prendre le tram 2, direction Tiefenbrunnen. Je suis descendu à la Sihlstrasse, puis traverser la Limat, je vais au cinéma, Froschstudio, voir « Ma vie avec Liberace ». Au retour, j’ai un peu marché par les rues déjà silencieuses. Je me suis à peine souvenu … les milles vies que j’ai traversées et que j’ai portées à Zürich. Avec l’âge et la fatigue, le souvenir semble se pétrifier, se densifier sous son propre poids ne laissant que peu d’éléments sensibles. J’ai repris le tram 2 sur la Bahnhofstrasse, direction Farbhof. J’ai regardé défiler les rues, rappelant quelques faits à ma mémoire, comme le motif d’une tapisserie. Sans plus. Je crois que Zürich a perdu la bataille, ma préférence va résolument à Bâle.

Zürich est trop chic, trop apprêtée, trop poseuse. Je n’ai plus la force de me mettre en scène. Au fitness, j’ai été frappé par l’attitude des garçons, tous si préoccupés de leur personne, se regardant sans cesse dans le miroir, comme s’ils cherchaient à se séduire eux-mêmes. A Lausanne, à Morges ou Genève, cette attitude a cour aussi mais pas avec le même sérieux, la même tension, ni la même durée. A Zürich, dans ce fitness de banlieue, même les garçons quelconques sont « travaillés » (épilés, solariumés, parfaitement coiffés, tatoués et portent tous des baskets neuves de marque). J’avais déjà remarqué ce trait zurichois, mais dans le centre, pas dans une zone semi-industrielle où les kebabs se disputent le trottoir avec des ateliers de design.

Etrange atmosphère discrètement opulente, confortable et oppressante. Je pense à Fritz Zorn, évidemment, je goûte au silence parfait de la nuit. J’ai rouvert l’un des stores, observer un bel arbre au dehors, depuis mon lit. Il y a encore dix ans de cela, je louais des chambrettes dans le centre, avec salle de bain et toilettes sur le palier. Je fréquentais le T&M, le bar Pigalle et une dernière bière à l’Odéon. Je vivais chichement et j’écrivais de l’autofiction avec feu. C’était bien à Zürich. Je dois faire un effort pour ajuster des sensations à ces évocations. Mon sang s’est peut-être refroidi, je n’ai plus la chaleur nécessaire afin d’animer cette ville.

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