mardi, septembre 03, 2013

"Jeune et Jolie" ou comment se bien vendre


Marine Vacth
Si je savais me vendre … Si j’avais encore cet à-propos badin … Poser, parler de soi en mine de rien, juste l’air de ne pas y toucher, et glisser les fausses questions ingénues, « que vais-je mettre pour la table ronde ? » ou « vais-je offrir un exemplaire à Mme la conseillère, un petit mot sur le vif, à l’occasion de la soirée officielle », et les séances de dédicaces, et le dîner des auteurs, et vite lire le texte de X, le roman de Y, le dernier succès de Z, bof. Je vais en profiter pour acheter le dernier Lador, Chambranles et embrasures, cher Pierre-Yves, cher ami à la faconde baroque, et planquer l’objet avant qu’il ne disparaisse, comme tous mes Lador, en promenade de-ci, de-là à travers la bibliothèque des amis. Pour la table ronde, je vais mettre mon pantalon rose, Ralph L***, acheté à Copenhague, du Ralph L***, ça fait toujours fils de famille bien avec lui-même, exactement le propos de mon essai – « Tous les États de la mélancolie bourgeoise » au cas où vous l’auriez oublié – et j’irai échanger quelques mots avec Mme la conseillère et M. le syndic, on se connaît, d’il y a vieux temps.
Je ne sais pas me vendre, je sais toutefois reconnaître un bon film, « Jeune et Jolie » de François Ozon. Le propos semble banal. Une jeune fille, très belle, vend ses faveurs. Son commerce est découvert alors que l’un de ses clients meurt auprès d’elle. Déjà vu. Mais Ozon, le petit récit sous-jacent, une façon de partager l’intimité de ses personnages, des êtres d’exception. Isabelle, incarnée par la sublime Marine Vacth, ou la jeunesse d’une déesse. On retrouve presque entre Isabelle et son frère Victor (Fantin Ravat) la complicité de Paul et Élisabeth, les héros de Cocteau dans ses « Enfants terribles ». Isabelle découverte se révèle à ses proches, dans toute la puissance de sa jeunesse, de son non-conformisme, de sa beauté, de sa sagesse sibylline, sorte de Diane impudique. Charlotte Rampling dans le rôle d’Alice, la veuve du client décédé, vient parachever le film, un rôle de dix minutes, mais une présence qui va bien au-delà.
Pourquoi Isabelle se prostitue-t-elle ? Pour l’argent ? Par goût du sexe ? Par effronterie ? Par indépendance ultime ! Elle s’appartient et sait se vendre, elle, au meilleur prix. Elle a la vie devant elle, et ne se presse pas de répondre aux questions propres à son âge.

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