samedi, octobre 08, 2011

Nous sommes tous des "Princesses".



Pierre Yves Lador, grand auteur vaudois qui m'honore de son amitié, lors de la présentation de son dernier roman, L'Enquête immobile, aux éditions Olivier Morattel, en plus d'une plaisante dédicace m'a offert quelques volumes du comte Eduard von Keyserling. Je me suis donc plongé dans l'Enquête immobile, que je réserve à ma lecture domestique (je lui réserve aussi mon prochain billet). Dans mes promenades ou le train, je lis l'un ou l'autre des Keyserling. Difficile de ne pas être touché par la délicate douleur de ces pages, par cette mélancolie illuminée. Je pense tout particulièrement à "Princesses", tout le carcan délicatement contraignant des conventions, de "ce qu'il faut faire pour tenir sa place" sous un ciel merveilleux, immense, parmi les lambris de belles demeures. Du "bonheur" d'être malheureux dans la soie ...


Keyserling ne nous raconte pas des histoires compassées de princesses d'antan; il nous parle de notre existence et de tout ce que nous acceptons par convenance et qui nous éloigne de notre bonheur. Soit, on nous raconte que l'on "construit" sa vie ... cela fait beaucoup de guillemets, autant de voiles pudiques sur les mensonges que l'on se force à accepter. Où est passé le franc soleil de nos vies, le rire et la liberté ? Ne vaudrait-il pas mieux sombrer dans un authentique malheur, comme Job, plutôt que de devoir boire à petites lampées une coupe de fiel mêlée de beaucoup de sirop, pour faire passer le goût. Au final, on en vient à haïr le sirop.


Les usages - dévoyés - nous tuent plus sûrement que les traits de nos ennemis. Et notre souffle est gaspillé en formules creuses, en paroles vaines ... Keyserling ou le crépuscule des princesses, une belle métaphore de l'état actuel auquel les tenants de la culture (je ne pense pas ici à ceux qui s'affichent dans les pages people de la presse tout venant mais à ceux qui nourrissent le coeur, les sens et la tête de leur public), donc l'état auquel les tenants de la culture et les gens éduqués sont réduits : une faillite annoncée ...


Il faudrait ... tant de choses mais la saison est trop avancée et le soleil décline à l'horizon. Nous allons donc mourir poliment.

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