vendredi, mars 21, 2008

L'Adoration


Et si ce n'était pas le bon moment ? Il y a ces instants qui tombent justes, la vénération du Saint Sacrement hier soir, par exemple, dans la pénombre de l'église Saint-Joseph, sa chapelle fleurie pour l'occasion, un soeur veillant le ciboire ... J'ai aimé les quelques minutes de trajet de mon domicile à l'église, dans la nuit froide. Je me suis souvenu de nombreuses nuits froides traversées pour courir après ... des chimères, satisfactions orgueilleuses inabouties. Il n'est pas, aujourd'hui, question d'être vertueux mais de mieux placer son orgueil !
Ce ne serait jamais le bon moment de prendre la plume, de raconter des "histoires" et surtout pas de la littérature, pas de celle qui regarde un brin d'herbe ou scrute sans relâche le panorama unique d'une fenêtre. Il faudrait avancer des théories et d'autres billevesées, s'inquiéter du niveau lexical de son lectorat potentiel ! Et passer à côté de la mystique du verbe, de cette invraisemblable force qui crée et recrée à dessein des univers jusque dans leurs moindres détails. Voilà un orgueil bien investi, rentable, un supplément de vie offert au lecteur, à l'auteur aussi, son vécu démultiplié et grandi.
Je garde étonnement la nostalgie de situations parfaitement authentiques mais en rien vraies ... des lectures à un moment et un lieu donné. Le petit monde bourgeois et finissant de Mauriac va de pair avec Berlin, la bonne vie de la grande capitale, ses parcs, l'appartement de Ch., les larges brasseries sur les boulevards commerçants et le U-Bahn aux stations d'avant-guerre. Je ne vais, du reste, pas tarder à y retourner, j'ai besoin de cette réalité-là, de la perspective sur Alex depuis la cafétéria du Kaufhof Galeria, de la Frankfurter Allee, des vielles avenues défoncées de Kreuzberg; je dois me livrer à cette adoration-là.

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