samedi, janvier 06, 2007

Le syndrome de Stendhal


Jacques trouve certains objets trop bavards, d’une humeur trop diserte … On peut se laisser aller à les aimer, les écouter puis s'en éloigner, sens critique oblige. Il faudra que je lui demande … que je lui parle de la complicité des choses, des accessoires de l’instant et du silence aux accords si profonds et puissants qu’il vous porte aux limites de la syncope. Et pas la moindre chose dont le babil pourrait vous distraire, vous arracher à l’hypnose dévorante de la « perfection » terrestre ; les guillemets ne sont là que pour signaler mon incrédulité … La tête entre les mains, appuyé contre la table de l’ordinateur, pas même les chiffres argentés d’une carte de crédit ne viennent rompre le charme … Peut-être la ficelle d’un sachet de tisane bio entortillée autour de l’anse de la tasse cochon, un cadeau de ma nièce pour Noël, mais non, l’accord est trop puissant, je me sens repris par de profondes secousses immobiles. La pensée d’avoir oublié un volume de poche des contes fantastiques de Maupassant, un peu plus tôt, à la salle de sport, même cet agacement de devoir retourner chercher l’objet ou sa perte définitive éveille à peine un demi-agacement. Je serai donc frappé du syndrome de Stendhal dans mes murs, parmi la banalité d’objets aimés, soit, mais ordinaires. Je me rappelle avoir trouvé la Joconde d’une facture médiocre et d’être resté froid lors de la visite du fort rouge de New Delhi. Je sais avoir des goûts très arrêtés, toutefois ce chez moi aux tapis exténués, aux plafonds lézardés, aux placards affaissés, je le connais, je sais tout du cannage du fauteuil de jardin, dans la cuisine, qui craque et se casse tant et si bien que j’ai préféré jeter un coussin dessus pour ne plus rien voir du carnage, je sais tout des serrures brisées du secrétaire en faux Tudor et d’un pied raccommodé du lit …
Le silence baisse d’un ton, c’est bon maintenant, je perçois faiblement l’arrivée d’une voiture, je me tourne et je crois reconnaître dans la lueur lointaine d’un réverbère le grand carrefour de la Vogéaz, à Morges. Je suis pris d’un léger haut-le-corps, je n’ai pas l’habitude d’être tout entier dans l’instant, d’une pièce et d’une seule, un peu comme disait l’autre sur sa montagne « Je suis l’Alpha et l’Omega ». Si je ferme les yeux, je peux exactement retrouver selon la même orientation géographique, des postures que j’ai eues de Morges à Berlin, de Barcelone à Paris, de Genève à Zürich et partout ailleurs où j’ai logé … Voilà qui dépasse – et de loin – la quatrième dimension et toutes les autres, les tours de passe-passe façon ubiquité et autre voyage temporel. Pourtant, je ne suis pas en train de lire du Aldous Huxley et je n’ai rien consommé d’illicite ni d’alcoolisé, et je ne prends plus d’anti-dépresseur ! Les suppôts moscovites vont encore en tirer d’étranges conclusions … L’évocation de cette clique ne produit qu’un clapotis … acratopège dans l’onde de ma pensée et de mon ressenti ; au mieux cela me fait penser au détachant éthéré qui ne détache rien, dont j’arrose régulièrement mes tapis zébrés. Vapeurs froides, acres et grasses : de quoi craindre les pires puanteurs. L’appréhension dissipée, il reste moins que l’amertume d’un agrume.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

HalliHallo! Je me rends compte que c'est la première fois que je te lis. Je me serais souvenu de ces longues périodes funambuliques. Beaucoup de passages sont extrêmement revigorants. Mais pas comme un petit froid ni comme une grosse gnôle. La seule image nulle qui me vienne : une burrata bien riche et aigrelette. C'est pour dire quelque chose. Merci donc, je fais passer, et je repasserai. Longue vie à Frais-Val! (Pff... Calembour pathétique et pas neuf j'imagine...)A+
ML