lundi, janvier 15, 2007

Le Concile de pigeons


Et si nous ne vivions qu'une existence de pacotille, si nous ne nous agitions que dans un monde de faux-semblants, toujours au bord du précipice, à un cheveu du néant ... Que resterait-il de Bach et de Nietzsche, de Flaubert, de Mann, de nos convictions philosophiques si nous ne maîtrisions plus ni l'écrit, ni la musique, ni les technologies de la diffusion culturelle ... Nous régresserions jusqu'à l'abstraction des beaux-arts, je pense; la peinture ne serait plus qu'une succession de signes méconnaissables ... Notre faculté de conceptualisation nous permet actuellement d'admettre des schémas techniques extrêmement complexes dont nous ne comprenons effectivement que les tenants et les aboutissants. Appareils-photos numériques, baladeurs MP3, MP4 ou WMA, téléphone cellulaire, technologie WAP, ordinateur portable, lecteurs DVD et DVX : autant de miracles d'un univers d'abondance culturelle. Si pauvre et intellectuellement peu pourvu en soit l'utilisateur, ce dernier finit toujours par être touché d'une manière ou d'une autre par une oeuvre majeure, le serait-ce dans une forme dénaturée ... Et si cette technique quasi magique venait à nous manquer ... tout est imaginable ... Le support quel qu'il soit reste fragile : les papyrus se désagrègent, les parchemins brûlent, les livres se perdent, les manuscrits disparaissent, les toiles et les partitions aussi, la façon de jouer s'oublie, l'auto-combustion guettent les films et les microfilms, les photos délavent, les fichiers informatiques deviennent illisibles ... Nous ne pouvons tabler que sur la perpétuité de nos émotions, sur leur saveur exacte, sur ces ombres sensorielles de nos souvenirs ... Nous avons appris à encoder notre expérience personnelle par ce biais-là, afin de la retenir et y accéder gratuitement au hasard de son renouvellement. Voilà les débats dans lesquels m'entraînent mon "Concile de pigeons", le dernier texte sur lequel je travaille, plutôt le dernier texte qui m'absorbe au mépris de toute logique d'horaire ...

Dimanche, sortie de boîte ... matinale et, donc, lever tardif par une après-midi de soleil. Je savais que je n'arriverais pas à faire entrer dans les dernières heures du week-end tout ce que j'aurais aimé y mettre : fitness, messe, visite galante, une à deux pages aux "Pigeons" (ceux du concile), un billet dans ce journal en ligne ... J'ai profité de la fin de l'après-midi, une promenade de jour pour faire pendant à la promenade du matin, déambulation dans la ville jusqu'au parc Mont-Repos, l'option fitness reportée à aujourd'hui. J'ai bêtement essayé de fixer ces impressions fugaces : la qualité originale de la lumière, l'agitation de la volière, beaucoup de promeneurs, une ivresse "stendhalienne" qui me faisait focaliser sur tout et rien. J'ai pris des photos, essayant diverses options d'exposition, un nouveau téléphone portable, délicat gadget ... Puis retour vers le centre, des images de Marseille, de Brest et de Barcelone se surimprimant à tel ou tel détail; aller consulter les horaires des messes à la basilique de Notre Dame de l'Assomption. J'assisterai à une célébration en semaine, mardi 18h20, vraisemblablement ... Je suis allé nourrir les "Pigeons", trouver un café fréquentable, un coin de table, un peu de calme : Le Palace - évidemment !

Une tourterelle chante sur le balcon, je retrouve les senteurs résineuses du chemin de Prélionnaz, la petite épicerie, le soleil à travers les branchages et le chant des oiseaux ... Je ne trouve pas le lien logique entre le souvenir d'enfance, les mille perfectionnements technologiques qui m'assistent en captant, classant, recueillant, stimulant, embellissant mon travail d'auteur; je ne trouvent pas de lien logique entre le chant de la tourterelle, le sourire séducteur, l'étreinte et la conversation de quelques garçons de bonne compagnie au (notule à l'attention des suppôts moscovites : j'ai bien écrit "quelques garçons", je vous laisse imaginer le reste !). Logiquement, il n'y a guère de lien ... un enchaînement décousu de faits ... Prenons un peu de distance : cela tient d'une partition sensible, équilibrée, un chant, peut-être la matière même de mon écriture ?!

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