jeudi, janvier 25, 2007

L'appel du 24 janvier


Hier, simplement hier, pour faire mieux que Thomas Mann et mériter son respect… Le grand auteur vivait de sa plume, soit, et s’il n’en avait pas vécu, il aurait « rempli ses devoirs envers la société », un autre travail, de l’enseignement vraisemblablement. Il était fier que Golo, l’un de ses fils, ait embrassé cette carrière en sus d’activités littéraires (tout le monde écrivait chez les Mann).
Hier, encore hier, un ciel fragile, gris et tranchant, les transparences de la glace sur le bord de la chaussée, sur la main courante de la balustrade, l’esplanade au-dessus du square Benjamin Constant, l’étendue du lac, un début de couchant doré. Je sortais de l’antre de l’hydre, je revenais d’un entretien. Pour la clique moscovite, ce journal littéraire ainsi que le roman en ligne de « La Vie d’un jeune homme vaudois à la dérive » n’existent pas. On m’a même assuré que du côté de «Moscou », on n’était pas homophobe. Je n’étais pas seul dans cette confrontation, j’avais un guérilléro syndicaliste pour me conseiller : « Notre collègue ici présent qui désire poursuivre sa carrière dans l’enseignement … ». On parlait donc de moi ! On a parlé littérature aussi. Pas une ligne de ce que j’ai pu écrire et qui, d’une manière ou d’une autre, a été rendu public, pas une ligne donc n’a échappé à l’inquisition moscovite, à l’œil globuleux de la réaction paternaliste. On n’y a rien trouvé de répréhensible … Et me voilà enseignant ! Installé dans un système, inscrit dans une hiérarchie, reconnu – quoiqu’on en dise – en tant qu’homme de lettres. Avec le temps, la pugnacité, « je connais ce canton mieux que le fond de ma poche », j’ai l’impression d’exister enfin en terre vaudoise. Il a fallu faire le forcing et la croisade n’est pas terminée. Je n’ai pas l’impression de me trahir. Je n’ai plus cet horrible sentiment de salissure … Je ne subis plus ce pays, son mauvais goût, sa lourdeur ni son hypocrisie : nous sommes liés. Sang, histoire, citoyenneté, résidence … tout ce que vous voulez mais le pays de Vaud, Lausanne et moi sommes liés … de la même façon que l’on est attaché à sa famille (pour ne pas dire entravé). Mes valeurs libertaires, ma foi catholique, mon orientation sexuelle font aussi partie de ce pays, le façonne et l’enrichisse. Il n’est plus question de subir mais de partager.
Hier, je vous devais une nouvelle, un serrement. En ce jour de l’indépendance vaudoise, j’ai eu une pensée pour Frédéric-César de la Harpe, « le jacobin » comme on disait sur son passage au congrès de Vienne. Ce citoyen éclairé a su transformer la rage de l’humiliation personnelle en action politique concrète et, quoique l’on dise ou que l’on taise, il a amené la démocratie en Suisse et l’indépendance à ma terre vaudoise en 1798. Décrié, calomnié, paradoxalement admiré par la jeunesse estudiantine, Laharpe (il signait ainsi) a méticuleusement été négligé par l’histoire suisse. Trop dérangeant, unique et hors norme.
Hier, donc, je devais vous annoncer la création d’un parti politique, le parti de la Dignité. Ni à gauche, ni à droite mais dans l’action raisonnée. Je ne veux pas rester simple observateur d’une prochaine déroute des valeurs élémentaires de la démocratie et de la culture occidentale. Entre le populisme alléchant de tribuns de droite et le corporatisme de la grande caste de gauche, je n’ai entendu personne m’offrir un modèle de dignité. Je l’ai cherchée, j’ai cheminé sur bien des pistes avant de m’en faire une petite idée, j’ai successivement joué à plein de personnage avant de la gagner, la dignité …
Hier, je n’ai pensé à aucun programme politique, je n’ai pas de stratégie, encore, je ne sais concrètement pas comment se fonde un parti politique ! J’en ai parlé autour de moi … Mon éditeur est enthousiaste … Il ne s’agit pas de peindre le diable sur la muraille mais, ainsi que j’aime à le relever auprès de mes élèves, notre dignité ne se fonde pas sur un quelconque statut social mais sur notre sincérité à être. J'en appelle donc à tous les citoyens de bonne volonté.

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