jeudi, novembre 16, 2006

"Frevall c'est moi"

Bien, on ne va pas tergiverser, appel à tous les lecteurs, si ce que vous venez lire ici ne vous convient pas, passer donc votre chemin ! De toute manière, vous n'apprendrez jamais rien de spectaculaire surtout si vous n'êtes pas versé dans des questions de littérature !
Je ne m'adresse pas à tout le monde, je pense particulièrement à la petite inquisition menée par habitude en terre vaudoise. Cela n'est pas sans lien avec le fameux "Madame Bovary, c'est moi !" de Flaubert. Je ne suis, soit, pas Flaubert ni donc Mme Bovary, ni Mme de Staël (le ciel m'en garde) mais je suis un auteur, un auteur qui tient un journal littéraire en ligne, un blog, un peu à la manière des frères Goncourt. Je ne suis pas non plus l'un ou l'autre membre de cette fratrie. Je tiens simplement à expliquer que l'écrit rajoute un plus au sens des choses, un sens sous le sens, les événements sont anecdotiques. L'écrit est libre lorsqu'il n'insulte ni ne pousse à la haine. L'écrit a un énonciateur et un récipiendaire, par élection. Selon le contexte, le "je" n'a pas toujours la même valeur ! Dans le cadre d'une activité littéraire, le narrateur n'est pas l'auteur et ce que vous lisez tient de la fable ... Vous ne me croyez pas ? Ah, quel dommage que l'on ne croie pas les écrivains, le monde tournerait tellement mieux !
Hé, lecteur, si tu penses te reconnaître sous un masque ou sous l'autre, qu'il te plaise ou non, et bien je te rappellerai le procès que des dizaines d'apothicaires ont tenté d'intenter à Flaubert pour s'être lu dans le personnage d'Homais. Mais quelle est la frontière entre le littéraire et le témoignage circonstancié d'événements ? donc de la réalité ? Elle est ténue ! Elle tient à la personne du narrateur qui n'est pas l'auteur et l'est aussi et ... Sophisme jésuitique ... Peut-être mais je ne connais rien de plus sacré que la liberté d'expression. Qu'on se le tienne pour dit, de Crissier à Cossonay et à Cottens, Cudrefin ou Champagne !
Défense et illustration de "My life is a soap opera"
Il faut que je vous parle de mon modèle : Thomas Mann ! Au-delà de l’œuvre, de la saga des Budenbrook, de la magie de sa narration ample, colorée, j’admire l’homme, l’auteur mesuré, le père de famille, l’époux, le meilleur ambassadeur de la grandeur de la culture allemande. J’admire l’individu éminemment policé qui a su museler la bête, refouler l’homosexuel et, à la fois, plonger au cœur de ses fantasmes. Il livre ainsi ses désirs dans leurs formes les plus pures. Tadzio, le jeune et brillant Tadzio, le merveilleux adolescent qui, à son insu, conquit le grand Thomas Mann, Tadzio, objet de tous les cultes, ne vieillira jamais entre les lignes de « Mort à Venise ». La littérature suspend le temps ; de plus, elle pacifie les sentiments les plus emportés, elle ennoblit ce qu’elle touche et donne à voir la vertu là où on ne l’imaginerait pas. Elle raconte avec force détails des univers insoupçonnés, pousse des portes qui vous seraient toujours restées fermées. Avec Thomas Mann, ses Budenbrook, nous vivons au milieu d’une grande famille d’une cité hanséatique, nous nous faufilons parmi les vanités de cette élite née pour diriger … Dans «La Mort à Venise », notre prix Nobel de littérature nous raconte la douleur et l’espoir fou d’un homme mûr face aux attraits naturels de la jeunesse masculine. Dans ce travail, l’auteur, à aucun moment, ne perd sa dignité … Un auteur sincère ne perd jamais sa dignité …Revenons à la lecture de ce soir. « My life is a soap opera » est un roman de pédé, tel qu’indiqué en titre de collection. Ce terme est à prendre dans ses deux acceptions, c'est-à-dire un écrit léger – par opposition à quelque chose de corsé, fait pour les vrais hommes – et un roman ayant trait à l’homosexualité. Il faut, à présent, que je vous fasse la genèse de ce texte. Avant même le début de sa rédaction, je me suis donné quelques contraintes : je tenais à employer un lexique romand, les mots de ma mère, de ma grand-mère et témoigner, en même temps, de la culture gay ! Sur cette base, j’ai construit un conte, une sorte de fable dont le héros ne serait pas une jeune fille malheureuse qui attend son prince charmant mais un jeune gay pas si malheureux qui attend aussi son prince charmant. Quel rapport avec Thomas Mann ? Je vous donne à voir un milieu, une logique comportementale, des codes propres à la scène gay de la même façon que Herr Mann montrait la bourgeoisie du début du XXème siècle. J’ai opté pour une trame romanesque plutôt que de donner dans le témoignage intime et personnel, je raconte un monde que je connais, soit, mais de la même façon que Marivaux, dans sa « Vie de Marianne » a raconté la fin du XVIIIème siècle, les mœurs des lingères, de la noblesse, l’art du vêtement et les mille détails nécessaires à une peinture vivante. Je pourrais vous glisser encore bien d’autres modèles, de Flaubert à Mauriac, jusqu’à Yves Navarre. Qu’est-ce qui les relie tous ? Leurs romans sont conçus comme lieu de témoignage d’une époque et d’un milieu donné.Je dis bien roman car, je ne crois plus à l’autofiction, je n’ai pas écrit mes mémoires, ni même de confessions publiques à la façon de Jean-Jacques Rousseau. Je me permets ici de vous rappeler une évidence linguistique : l’auteur – moi – et le narrateur sommes deux entités distinctes. Je m’appelle Frédéric Vallotton et le narrateur de « My life » se prénomme Jean-Pierre, surnommé « La joie de vivre ». Il se raconte alors qu’il a 95 ans et, je sais bien que je fais plus jeune, mais j’en ai 36. Soit, Jean-Pierre et moi-même avons quelques traits communs : nous sommes gays et romands. Cela s’arrête là … il a beaucoup plus de succès que moi avec les garçons. Blague à part, je me présente devant vous ce soir en tant qu’auteur, homme de lettres en général, et heureux père de ce dernier roman en particulier. Peut-être qu’un jour, le gâtisme faisant, je me prendrai pour Jean-Pierre ! J’aurai peut-être son ingénuité et sa parole volubile. A ce propos, la rédaction de « My life is a soap opera » était porteuse d’une dernière contrainte : raconter un « conte de fée » moderne sur un mode rablaisien, cela sous-entend une langue gaillarde, plutôt verte par moment, des situations crues et drôles, une façon de rattacher mon travail à la tradition populaire de la gaudriole et de la gauloiserie un peu épaisse. J’ai beau être l’auteur d’un roman gay, j’écris pas pour les pédés !Un dernier point encore, je suis persuadé que la littérature ne sert pas qu’à distraire, enjoliver, ou émouvoir. Elle est porteuse de sens. Je n’ai pas écrit « My life » selon une logique prosélyte, je m’excuse auprès de ceux qui ne considèrent mon travail que comme une suite de scènes crues de sexe, et auprès de mes futurs lecteurs qui pourraient partager cet avis, mais j’ai écrit « My life is a soap opera » de la même manière que Charles Perrault a écrit « Peau d’âne », il y a une morale au bout du compte, une petite philosophie plutôt sympathique que je pourrais résumer par « Nous sommes tous des empereurs, nous sommes tous des étoiles ! »

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